Amicale

   En ce 26 mars, nous vous partageons une poésie volcanique, composée par Claire Lapique, étudiante à l'Université de Strasbourg.

Rage

"J’ai une rage d’écrire. Quelque chose qui monte et soudain explose. Est-ce parce que je voudrais dire ce que moi-même j’ignore ? Il n’y a que par l’écrit que tout sort. Je n’arrive à rien formuler : ma tête encombrée, les pensées retenues dans un étroit tunnel ténu. Quand j’écris, il y a quelque chose d’antérieur à moi qui vient soudain au-devant. Une lampe torche. 

Est-ce parce que je ne sais que faire des choses perçues ? Pas forcément vécues, pas mêmes vues ni entendues, mais bien perçues : celles qui transpercent les chairs, les lignées, les frontières et arrivent jusqu’à nous. Est-ce pour faire émerger ces choses-là ? Ce quelque chose est de l’ordre de la rage. Une rage claire et concise. Qui n’est pas colère, qui n’est pas violence. Elle est peut-être urgence. Montée de magma. Puissance. Intransigeance.  

Elle monte en creux, en sillon. Par salves parfois. D’un coup, elle est là : je la vois au-devant de moi. Elle me scrute, elle me veut. Elle m’ignore. Je ne comprends pas son langage. Je la suis des yeux et j’obtempère. Je vous dis que cette rage est millénaire. Elle n’a pas d’âge : elle était là avant moi. Elle sera là après. Elle habite le monde et s’en sert. Pour dire, jouir d’une clarté incendiaire. Elle exalte et exulte. Et plonge nos êtres en face de leur terreur. C’est pour ça qu’elle me demande d’écrire. Pour ne jamais taire la terreur. 

Ou bien est-ce parce qu’elle trouve en moi quelque chose qui résonne ? Je suis rage aussi, je ne raisonne pas toujours. Je n’ai pas raison, j’ai tort. Je tords tout d’ailleurs, les mots et peut-être même la mort. Je ne sais pas ce que je dis, je suis dans le dehors. Là, quelque chose se dit, et j’en capte un fragment. J’espère que vous aussi, pour en faire un rébus, joindre les deux bouts, résoudre les énigmes. Mettre bout à bout, capter plus et enfin renouer ce « Nous ». "

Claire Lapique