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Culture Evénements de l'Amicale
Le Printemps des Poètes : 11ème jour

Le Printemps des Poètes : 11ème jour

Calendar du 22/03/2022 au 22/03/2022

En ce mardi 22 mars, 11ème jour du "Printemps des Poètes", nous partageons le poème composé par Spyros Tsovilis, époux de Despina Chatzivassiliou-Tsovilis, Secrétaire Générale de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

 

AU CARREFOUR DU GENERAL JACQUES PARIS DE BOLLARDIERE

 
Au carrefour du Général Jacques Pâris de Bollardière,

sommeille encore ce matin mon fantassin,

Sur les bouches d’aération du labyrinthe de fer

où il repose

Ses os mouillés

par la rosée de l’aube

Ses haillons fumants préparent

à petit feu

une bouillie neuve.

 
Il recevra bientôt c’est l’usage

les hommages des habitants qui ont du cœur

cachet du quartier

de l’eau

et quelques victuailles.

En se levant tout à l’heure

il arrosera de sa fontaine pleine

le ventre rond

les asphodèles de l’asphalte.

Il s’annonce un glorieux mois de mars…

 
Comme tous les damnés de la terre

Il a vu partout ces derniers temps

le portrait tiré de l’autocrate

en son palais

qui prétend laver l’honneur des laissés-pour-compte

sur les affiches en couleur de tous les panneaux publicitaires.

Il aura su lui

le petit-fils de serf

cuisinier de Lénine puis de Staline

chef en repas sécurisés

ne pas se laisser faire.

 
À force de trier le linge sale

de dénoncer des camarades

et de moucharder

à force de brasser les secrets des secrets

il a gravé tous les échelons du pouvoir

sur les genoux des généraux

incontinents

en les tenant par les nouilles.

 
Depuis les froides nuits de fin février

mon fantassin est en campagne

S’il dort chaque soir sur le trottoir

on ne saurait lui conter fleurette

et c’est la fleur au fusil qu’il s’est rangé d’emblée en rêve

aux côtés des défenseurs de la mère patrie

qui hier encore donnait à l’enfant tsar chéri

le lait amer de son sein meurtri.

 
Hier ils avaient pris Sébastopol,

demain ils descendront les escaliers d’Odessa,

après demain il danseront sur la scène de l’Opera de Kiev

À l’Opéra de Kiev !

Et le caporal en personne le félicitera !

Fantassin de la République

Il ressuscitera l’âme

des compagnons de la libération !


Ils n’avaient qu’à bien se tenir

les suppôts de l’OTAN

qui laissent partout faire

leurs alliés conquérants

mais qui se casseront les dents devant les grands poètes à la poigne de fer.

They call them Putin or Erdogan!

Un jour on déposera devant sa dépouille des gerbes !


Mais ce matin c’est Adèle

qui vient déposer devant lui

une petite fleur

qu’elle a cueilli à la frontière de son pays en flammes avec la Pologne.

 
Au carrefour du Général Jacques Pâris de Bollardière,

À l’angle des avenues Suffren et la Motte-Piquet

Adèle dit bonjour à « Monsieur papa » !

Lui qui n’a pas encore pointé hors de sa couverture un orteil

et alors que le soleil hésite à darder encore avec ses rayons quelqu’injure

il perçoit sur son trottoir

de l’Ecole militaire

une intense lumière sous un ciel bleu.

Se peut-il qu’une fleur aussi frêle

irradie à ce point son horizon vineux ?


C’est son sourire qui déteint sur les yeux et les joues et la fleur d’Adèle.

Antoine de Saint-Ex, s’il l’avait vue, l’aurait recueillie c’est sûr pour son petit Prince.

Elle écarquille les yeux.

Elle croit qu’il a passé encore la nuit dehors sous les pétards et les débris volants,

pour arrêter avec ses camarades l’avancée des chars poubelles des assaillants

qui ont pris pour cibles sa maison, son jardin, l’hôpital et son école.

Mais peut-être fait-il aussi partie de ces garçons attardés

qui se font mal en jouant à la guerre comme leurs aînés

qui n’ont jamais pu apprendre par cœur un poème de paix et d’amour faute de temps,

happés par la discipline et le devoir de se montrer virils et soumis sans faille ?

 
Elle est fâchée.

Elle voudrait le gronder.

Mais se ravise.

Elle est anxieuse aussi.

Pourquoi lui veut-on du mal ?

Pourquoi veut-elle à son tour les attraper par les cheveux ?

Elle dont la voix si douce et suave esquisse ce rêve d’amour et de paix le plus enraciné dans l’âme ?


Quel chant universel pourrait-elle peut-être entonner qui radoucirait le cœur des siens,

de ses camarades et de ces fantassins comme ce Monsieur papa

au carrefour des avenues La Motte-Piquet et Suffren ?


Mais le chant ne vient pas et ce sont les mots de sa mère qui devancent les paroles d’Adèle :

« Son papa est au front Monsieur,

Mon pays essuie une pluie de feu et de fer et les miens sont confrontés au dilemme de se battre pour leur liberté ou de mourir.

Il y a de nombreux enfants déjà dont on n’entendra plus la voix ni le désir de s’épanouir au printemps,

pour d’autres prières, dans d’autres prairies que celles percées sous la pierre pour y enterrer leurs parents.

Le rêve de l’enfant Monsieur, disait le poète, c’est la paix… »

Et elle le récite.

 
Alors le fantassin du Carrefour du Général Jacques Pâris de Bollardière,

ivre de son pot de poésie, se lève de son grabat,

Il secoue de ses épaules les étoiles de ses exploits nocturnes

et se souvient du sens de ces mots de dignité et de liberté dans ses entrailles.

Il se souvient qu’avant de désapprendre à respirer l’air plus libre du ciel sans barbelés et sans frontières,

il avait rêvé le même rêve qu’Adèle.


Il n’y a pas, dit-il, des Russes, des Ukrainiens, des Français, des Allemands, des Iraniens et des Américains, des Grecs, des Turcs, des Palestiniens et des Israéliens.

Les concepts d’enfants ne pleurent pas, ni ne rient d’ailleurs.

Il y n’y a que des enfants dont on voudrait un jour qu’ils puissent vivre libres

au milieu d’êtres libres comme eux, aptes à jouer, à créer et aimer leurs œuvres sous le soleil universel.


Et mon fantassin fourbit ses armes.